Skin : un portrait de la violence raciale aux États-Unis

     Il est difficile aujourd’hui d’évoquer la question du racisme sans tomber dans un discours manichéen. Pourtant, Guy Nattiv livre une œuvre bien plus nuancée qu’il n’y paraît et offre même, avec une rare finesse, un portrait sans concession et radical de la nature humaine. « Skin » est une claque! Une œuvre corrosive et tranchante comme un rasoir. C’est une esquisse d’une grande brutalité, qui dépeint et synthétise en l’espace de vingt minutes, l’essence des conflits entre noirs et blancs aux États-Unis.

Ce court-métrage brosse le portrait d’une famille blanche baignant dans le milieu néo-nazi américain, vouant un culte aux armes à feu et constituant, entre chaque individu appartenant à cette idéologie, un fort et indicible corps social anti-système.

      Ainsi, la caméra s’immisce à travers le regard de Troy, fils du jeune couple « whitetrash ». Il écoute, apprend et intériorise les valeurs de ses parents, comme le ferait tout enfant de huit ans. Lors d’une sortie dans un supermarché, il suffit d’un regard et d’un sourire pour sombrer dans la violence : le père de Troy, accompagné de ses acolytes, massacrent à coups de pieds et d’insultes un homme noir sur un parking adjacent, sous les yeux effarés de sa femme et de son fils. Cette scène est une véritable rupture qui conduit inlassablement les personnages dans une spirale de violence, faite de vengeance et d’amertume.
Troy, ange spectateur des démons qui l’encerclent, constitue la colonne vertébrale du film. Sa candeur offre une vision plus humaine et sociologique de son environnement familial. Les monstres qui l’entourent sont avant tout des humains, gangrenés par la haine et la peur d’autrui : ils sont vulnérables et en deviennent pathétiques. D’ailleurs, le bouquet final ne fait pas de cadeau pour ceux qui haïssent : leurs destins seront tragiques et la violence ne saurait trouver de point à sa phrase.

     Après l’insoutenable agression d’un père de famille qui eut pour seul « péché » d’être noir, l’autre père, « vertueux » d’être blanc, est enlevé lors d’une nuit hasardeuse dans une camionnette blanche, laissant Troy impuissant, spectateur de la loi du Talion. Car Nattiv n’hésite pas à rendre justice lui même : c’est assurément un gang d’afro-américains, qui surgissant de nulle-part, enlève le père de Troy, et tatoue l’entièreté de sa peau blanche d’une encre noire indélébile au fin fond d’un garage sombre. « Skin » prend donc des allures de « vigilante movie » où ce sont les personnages qui rendront justice eux-mêmes.

Lauréat d’un Oscar dans la catégorie « meilleur court-métrage » en 2019, cette peinture du racisme cristallise majestueusement l’absurdité des conflits qui animent les États-Unis depuis des siècles.

François Thieulen, Mathieu Ducos

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