Le Vieil Homme et l’Enfant : critique cinématographique

Le Vieil Homme et l’Enfant est un long-métrage de fiction de Ninna Pálmadóttir d’une durée de 73 minutes.

Depuis la mort de ses parents, Gunnar, vieux célibataire, vit en ermite dans une ferme isolée, avec un cheval, Godi, pour seul ami. Son existence bascule lorsque la construction d’un barrage auquel il s’est opposé jusqu’au bout l’oblige à quitter sa terre natale. Un gros chèque en poche, Gunnar abandonne tout derrière lui, s’installe en ville et commence une nouvelle vie. Candide et digne, il s’adapte à ce « nouveau monde » dont il découvre les attraits (pizzas, télévision) et les côtés sombres. Un jeune livreur de journaux de 10 ans, Ari, délaissé par ses parents, lui servira de guide. Au fil des jours, l’enfant et le vieillard solitaire développent un lien affectueux mal interprétés par les adultes qui les entourent. Cette rencontre improbable bouleversera leur vie…

J’ai adoré ce long-métrage qui traduit d’une amitié intergénérationnelle basée sur la solitude. Mais malheureusement, ce film m’a marqué par son témoignage sur la violence d’un monde actuel.

Premièrement, ce film est très poignant du point de vue de la solitude. En effet, Gunnar vit seul depuis des décennies et cette solitude se traduit par l’absence de bruits parasites, une musique très douce et calme et un silence. Très peu de dialogues, même après la rencontre avec Ari, le silence règne, rendant ainsi l’atmosphère calme, paisible et reposante. Cette solitude tranquille devient bruyante lors du déménagement forcé de Gunnar. Le bruit des voitures, de la ville, des personnes, tout vient bouleverser la calme solitude instaurée au début du film. Heureusement, la nouvelle maison de Gunnar devient un temple de silence où les bruits de la ville s’estompent enfin, laissant à lui comme à nous, un temps de répit, dans ce monde qui n’est que vitesse et bruits. Du côté d’Ari, la solitude s’exprime via l’absence de ses parents, ces derniers travaillent beaucoup et sont divorcés (encore une autre présence de solitude). C’est aussi intéressant de voir que la solitude peut être vécue à deux. En effet, l’amitié entre Gunnar et Ari garde les habitudes de solitude (donc de calme et d’apaisement) des deux.

Deuxièmement, ce film est marquant pour son témoignage d’une amitié improbable et pleine d’amour et de bienveillance. En effet, Ari et Gunnar nous témoignent une amitié forte, innocente et incomprise. Innocente car tous les actes, toutes les parole dites par les deux sont basées sur une pureté de l’esprit et un naturel enfantin, nous faisant frissonner. Cela est vraiment agréable, paisible, presque utopique de voir deux personnes différentes en tous points de vus s’aimer comme des frères, vivant une vie d’amour et de paix, cela nous fait du bien , cela nous montre que le monde n’est pas que cruauté et injustice. Cette amitié est incomprise car, malgré cette paix, cet amour et cette innocence, le monde extérieur revient puissamment avec sa méchanceté et son mépris. On met tout le monde dans des cases, si tu es différent, tu seras moqué, et c’est ce que vit leur amitié. Gunnar, d’un âge canonique et Ari, encore dans le début de l’enfance, ont un écart générationnel incompris par les adultes, surtout les parents d’Ari.

Troisièmement, c’est justement sur l’écart générationnel que je veux m’appuyer. C’est impressionnant de voir combien l’âge n’est en aucun cas un frein pour tisser des liens d’amitié très forts. En effet, Gunnar est dans la soixantième année de sa vie et Ari est dans la première décennie de sa vie. C’est attendrissant, émouvant, de voir que deux personnes, dont l’un pourrait être le grand-père de l’autre, peuvent devenir amis et vivre cette amitié d’une façon si naturelle et paisible. Une amitié loin des nouvelles technologies où l’authenticité triomphe sur l’artificialité. En effet, Gunnar et Ari jouent aux échecs, se promènent, écoutent de la musique, dansent, rigolent, que cela nous serve de leçon, lâchons les écrans au profits de jeux et d’occupations concrètes. Les personnes âgées ont besoin des jeunes pour vivre, pour grandir et les jeunes ont aussi besoin des personnes âgées pour vivre et grandir. Tous, nous nous apportons des connaissances, de la joie, de la culture, quelque soit notre âge, notre origine, et c’est, je pense l’un des principaux messages de ce film, que Ninna Pálmadóttir nous transmet à merveille.

Dernièrement, j’aimerais faire part de ma déception par rapport à la fin du film. En effet, cette dernière dégrade complètement l’image utopique et innocente que le film nous faisait percevoir depuis le début. Je n’ai pas du tout apprécié le fait de nous laisser sur une interrogation à la fin, après un film utopique où tout va bien. Accuser de viol Gunnar sur Ari injustement et de façon fausse est juste inadmissible et en plus, finir avec le questionnement de savoir si la scène finale est un rêve ou non et si c’est un rêve, est-ce qu’il va faire ce dont il a rêvé ? C’est très dur, je ne comprends pas le but de faire un film si optimiste et de finir avec la pire accusation possible, qui en plus est fausse. Après tant d’espoir, nous casser notre paix intérieure de façon si brutale m’a vraiment accablé. Ramener après une heure de rêve de paix et de respect la réalité d’un monde cruel et injuste est vraiment épouvantable.

François LESAGE

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