Une chambre. Dans cette chambre, cinq personnes. » Que veut-tu manger » demande une femme, plutôt forte, en combinaison/uniforme beiges. Un jeune homme, barbichu se tiens sur son lit. Alors débute une longue et progressive descente aux enfers, une lente révélation, plus que glaçante.
On emmène Farah, le jeune homme du début en visite médicale : il y est examiné, sous toutes ses coutures, sous ses moindres aspects : il y subit un examen radical et total, mais dans quel but ? Mystère. Puis il sort, avec ce qui semble être donc la gardienne du centre pénitentiaire dans lequel Farah purge une peine, pour un motif inconnu. Puis l’infirmière lui tend des somnifères, après avoir prononcé ces mots énigmatiques et glaçants, qui donnent la chair de poule mais sans réellement savoir pourquoi : » La plupart n’arrivent pas à dormir avant « . Puis s’enchainent des évènements, à la fois rapidement et calmement : retour à la prison, tandis que sur le perron, un homme regarde une quelconque vidéo sur un quelconque réseau social traitant d’un quelconque sujet. Alors arrive, véritable faux, fatalité s’abattant sur l’intrigue énigmatique du film, la révélation, qui en elle-même pourrait clore le film. Devant Farah, Warseme, un homme envoyé par le ministère lui explique comment va se dérouler… son exécution. Alors l’horreur submerge l’assistance, car on s’était presque attachés à ce jeune homme. On apprend vaguement qu’il a été condamné pour » terrorisme « , terme terriblement vague qui ne nous apprend que peu de chose, et renforce la barbarie et l’abjection qui rode autour de la scène.
Puis vient le jour, et alors on comprend tout : son dernier repas est un morceau de viande servi avec une bouteille de Coca-Cola, exactement ce qu’il avait demandé la veille. On y est, et en ce jour fatal Farah doit recevoir la visite de ses parents, qui n’arrivent pas. Enfin se clos l’effroyable attente, l’insupportable suspense, dans une apothéose d’émotions humaines : après avoir été amené devant l’échafaud, après avoir attendu, si calmement, si tranquillement la fatidique heure, il cède. Son esprit craque, et il pleure, cri, hurle, mais l’on entend que le bruit du vent dans une magnifique création cinématographique. Sa gardienne, qui malgré tout semble tout comme le public s’être attachée à lui s’enferme dans sa voiture, et refuse de voir et d’entendre : elle pousse le volume de la musique au maximum, et part, part très loin.
La finesse, la justesse, le doigté de ce film sont des qualités remarquables, qui le rendent profondément magnifique et humain : avec lui on attend, mais à sa différence on en connait pas l’issue finale avant de l’apprendre, de la bouche de Warseme par ses paroles peu engageantes et à la limite du platonisme. On suit l’histoire, et ce par la profonde tristesse, le désespoir croissant de la gardienne, et on voit, on voit l’humain qui se cache en toute personne, même si cette personne est » criminelle « . Enfin, pour une fois le point de vue utilisé pour montrer l’horreur est celui du bourreau, qui après tout est aussi une victime. Se pose alors l’éternelle question, que déjà Socrate énonçait dans le Gorgias : « Est-ce le bourreau ou la victime qui souffre le plus ? « .
Voila ce que l’on peut penser, ressentir en regardant « Will my parents come to see me « , de Mo Harawe.
Maxence Girod-Fagard, lycée François Ier, Le Havre.