ON THE ROAD AGAIN
Regarder un long-métrage de 90 minutes filmé avec trois téléphones portables: une expérience a priori éprouvante pour le spectateur habitué à l’image léchée de caméras hyper perfectionnées. Ce dispositif particulier, on l’accepte pourtant totalement quand on sait que le réalisateur afghan, Hassan Fazili, n’a eu que ce moyen pour ne pas cesser d’être cinéaste pendant les trois ans du périple qui l’a mené avec sa famille jusqu’à l’Europe, afin d’échapper à la menace de mort que faisaient peser sur lui les Talibans. Nous découvrons ainsi le quotidien difficile de ceux qui vivent sur les routes, à la merci des passeurs malhonnêtes ou d’habitants agressifs. Tout cela, on le sait en théorie, mais avec Midnight Traveler, on le vit de l’intérieur, jour après jour. Son épouse, Fatima, cinéaste elle-même, est en lutte permanente pour maintenir un semblant de normalité à leur vie incertaine, car leur deux petites filles sont les premières à souffrir du déracinement, de l’incertitude, du froid, de la violence, de la peur. Nous rentrons dans l’intimité d’une vie de famille qui n’appartient qu’à eux, qui nous touche par sa chaleur, mais c’est aussi l’universalité de l’enfance qui bouleverse. Nargis et Zhara, les deux filles du couple, grandissent au fur et à mesure du film et de l’interminable voyage comme n’importe quels enfants. Nargis a une joie de vivre extraordinaire et s’émerveille de détails: une vague en colère, un ciel qui ressemble à un tableau. Le cœur du spectateur se serre d’autant plus quand cette enfant courageuse pleure d’ennui ou se plaint d’avoir les pieds gelés. Elle est à la fois un personnage central et la petite cinéaste de ce film. Comme ses parents, elle pose un regard d’artiste sur la réalité du monde. L’ensemble forme un récit d’une grande profondeur où filmer et survivre participent d’un seul et même souffle.
Catherine,
Lycée Raymond Queneau, Yvetot