Les Oubliés de la Belle Etoile : le récit émouvant d’une vie brisée

Daniel, Michel et tant d’autres sont des rescapés. Ensemble, ils ont échappés au traitement atroce donné à des enfants dans un établissement nommé La Belle Etoile dans le village savoyard de Mercury. Ensemble, ils se sont souvenus, se sont remémoré plusieurs années de souffrances et d’horreur. Ensemble, ils ont ressassés leurs souvenirs en un témoignage poignant et grave des monceaux de torture physiques et psychologiques subis pendant des années dans un centre qui n’a de correctionnel que le nom.

Une maison. Autour de cette maison, au demeurant fort sympathique avec ses grands murs de pierre et son agréable jardin fleuri, le merveilleux et bucolique paysage de la Savoie, avec ses hauts sommets enneigés et ses petits villages pittoresques. En contrebas de la demeure perchée se trouve le village de Mercury, qui siège dans une vallée peut fréquentée. C’est à cet endroit précisément que des centaines d’enfants, jeunes comme moins jeunes vécurent les pires horreurs, les pires tortures, les pires abjections.

Pour eux, tout commence lorsqu’ils sont internés au centre de redressement de La Belle Etoile. L’un des leurs, Daniel y a été emmené à l’âge de huit ans avec son frère, et y a passé les plus longues années de son existences, qui l’ont détruites physiquement comme mentalement. Au cours d’un repas, d’une promenade, d’un moment de convivialité autour d’un verre ou d’un café, ces âmes en peine victimes d’un système gangrené et corrompu évoquent un par un les souvenirs douloureux d’un passé lointain. Châtiments corporels, privations, insultes, humiliations : autant de “ punitions ” qui paraissent impensables et particulièrement dures et qui pourtant furent administrées comme autant de lignes à copier à des enfants, les brisant au plus profond de leurs âmes, les blessant au plus profond de leurs être. Car les séquelles de ces actes de pures barbarie inhumaine, ils les garderont toute leur vie durant : l’un se retrouve avec des os cassés qui ne sont diagnostiqués que vingt ans plus tard, un autre à de grave problème d’audition et est perclus d’otites à répétitions suite aux nombreuses gifles d’une extrême violence et virulence reçues lorsqu’il était plus jeune, et tous en garderont un traumatisme psychologique incurable. Celui-ci peut être tellement fort qu’il viendra briser l’esprit et la conscience de la personne victime : l’un des anciens internes mènera une vie de vol et de délit, en véritable personnage marginal, suite à la cassure mentale subie pendant son enfance à Mercury, écopant donc de 53 ans de prison, et il en fit d’ailleurs 35 passant donc une partie résolument importante de son existence en situation carcérale.

Mais les violentes injures et blessures ne sont pas les seuls immondices au sein de la mélasse noire qu’est l’histoire de ce lieu : plusieurs d’entre eux ont subis des attouchements de la part du président de la Belle Etoile, l’Abbé Garin. Et il est plus que temps de mentionner ce personnage énigmatique, cette figure despotique qui règne en maître sur ce lieu de torture et d’abnégation, de dresser le portrait d’un homme immoral et autoritaire. L’abbé Garin est la figure dominante de l’autoritarisme des lieu. Il est tout : le maître, le seigneur, le tyran. Son pouvoir s’exprime de bien des manières : par les châtiments corporels que le personnel inflige aux enfants de part les demandes de Garin, par les attouchements innommables subis par les jeunes gens, mais aussi par sa toute puissance qui lui vaut d’être décoré, décoré devant les élèves qu’il contribue à martyriser tous les jours, toutes le heures, toutes les minutes.

Le plus beau, le plus poignant est sans doute que toutes ces victimes, devenues adultes, puis âgées se ressassent ces moments d’injures et de haines dans un cadre tranquille, ne s’énervent jamais. Elles sont profondément humaines, et de par cela nous font larmoyer au plus haut point, créant chez nous un sentiment de colère et de révolte envers l’horreur de l’institution. On pourrait penser que désormais, au vu de l’énormité des faits et de l’évidence du crime, les victimes vont obtenir quelque maigre réparation, consolation qui certes ne remplacera pas l’enfance et l’adolescence volée mais servira au moins de dédommagement de la part de l’institution ecclésiastique envers ceux qu’elle a contribué à violenter. Aussi, ils décident pour beaucoup de s’inscrire à une cellule de discussion organisée par la maison diocésaine. On est alors presque surpris de voir qu’ils font l’objet d’une écoute particulière de leur situation, et alors l’espoir renaît puisqu’ils vont pouvoir rencontrer l’abbé, abbé qui lui pourra peut-être leur permettre d’obtenir réparation pour tout le mal qui a été fait. Mais non. Rien. Rien de rien, si ce n’est une très maigrichonne reconnaissance des faits, accompagnée d’un petit “ peut-être d’autres élèves n’ont-ils pas le même point de vu que vous ”.

C’est désespérant.

Ce qui est particulièrement émouvant dans ce film, outre la richesse des plans, l’humanité du propos et la manière particulièrement professionnelle et intéressant avec laquelle le sujet est traité, c’est bien évidemment qu’il s’agit d’une histoire vraie. Et c’est peut-être aussi ce qui apparaît comme le plus tragique et le plus désespérant.

Le film se termine sur un lâché de lanternes.

Maxence Girod-Fagard, lycée François Ier Le Havre.

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