Happy Opening !

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Par Paul Le Du

La 11ème édition du Festival européen du film d’éducation d’Evreux lançait, mardi matin, les festivités avec Dancing in Jaffa, documentaire réalisé par l’israélienne, Hilla Medalia. Un long-métrage qui retrace le parcours de Pierre Dulaine, danseur et professeur de danse britannique, sur la terre qui l’a vu naître.

09H15, Cinéma Pathé. A Evreux.

Ils sont une centaine à assister à l’ouverture du Festival. Des collégiens, des lycéens, et leurs professeurs. Une troupe de danse, une classe Primo Arrivant (des élèves venant d’arriver sur le territoire français, et en délicatesse avec la langue), une classe Ulis et deux classes générales.

Tous réunis pour visionner Dancing in Jaffa, documentaire filmant les tribulations de Pierre Dulaine, partit à la poursuite de son rêve : faire danser ensemble les enfants d’origine palestinienne et les enfants juifs vivant à Jaffa.
Humaniste. Encore et toujours.

Un édifiant témoignage d’espoir

Né à Jaffa en 1944, Pierre Dulaine est contraint de quitter la ville avec le reste de sa famille après la création de l’état d’Israël en 1948. Il n’y retournera pas avant 2011, pour réaliser ce rêve de toujours. Entreprendre une expérience pédagogique audacieuse, en affranchissant les enfants de leurs préjugés toxiques, autrement plus dévastateur dans un pays comme Israël.
Préjugés qu’il prend un malin plaisir à balayer d’un revers de main, l’un après l’autre, au gré d’intervention chaque fois plus drôle, et caustique.

1h30 de film, où larmes, sourires et rires se confondent dans un voyage initiatique vers la tolérance et le vivre-ensemble. Grâce au seul langage qui vaille ici-bas, universel : le langage de la danse.

« Ce fut un grand challenge, car les enfants dansaient vraiment avec leurs « ennemis » et avaient peur de se faire incendier par leurs parents en rentrant » avouait-il au terme de ses pérégrinations. Qui furent un succès retentissant.

Laura Fontaine debout, animant le débat avec les jeunes.
En haut à gauche, et gilet gris. Laura Fontaine, JADE, tournoyant avec le micro à travers la salle.

« Aborder les discriminations, c’est une chose. Mais pas seulement par le diagnostic, il faut aussi réfléchir aux solutions. »

Le film laisse entendre ses dernières notes de musique. Quelques timides applaudissements éclatent, ici et là, des quatre coins de la salle.

L’occasion d’ouvrir un débat avec l’équipe du Défenseur des Droits, partenaire depuis 2011 du Festival. Laetitia Got-Thépault, chargée de mission Presse, programme tous les ans ce premier film, projeté à l’ouverture. « Il fallait trouver une fenêtre d’entrée cinématographique en lien avec notre mission, consacrée aux Droits de l’Enfant » confie-t-elle, avant d’ajouter « aborder les discriminations, c’est une chose. Mais pas seulement par le diagnostic, il faut aussi réfléchir aux solutions. Et dans ce sens, Dancing in Jaffa est un film miraculeusement inspirant. »

Le site internet du Défenseur des Droits

Quelques enfants quittent la salle, et le confort de leurs sièges.
Entourée de deux jeunes Ambassadeurs des Droits auprès des enfants (JADE), ainsi que Leslie Delau, coordinatrice du programme JADE, le débat avec les spectateurs peut commencer.
Ont-ils aimé le film ? Que savent-ils des discriminations ? Que leur évoque le terme diversité ? Est-il synonyme de partage, d’échanges, d’ouverture vers l’autre et sa culture ?

« Mais quand on voit ce qu’il se passe en France, on est en guerre, c’est pareil ici ou là-bas, les gens ont peur les uns des autres. »

Il y a du monde, et nombre de visages inconnus, les jeunes enfants de la République hésitent à prendre la parole. Et puis le masque tombe, presque inéluctable.
« Mais quand on voit, ce qu’il se passe en France, on est en guerre, c’est pareil ici ou là-bas, les gens ont peur les uns des autres » clame l’une des spectatrices. Cri du cœur.
Les quatre comparses du Défenseur des Droits le craignaient avant même de commencer le débat. Il fallait bien que ça sorte, tôt ou tard.

De gauche à droite. Paul Le Du, JADE. Leslie Delau, coordinatrice du programme JADE. Laetitia Got-Thepault, chargé de mission Presse.
De gauche à droite. Paul Le Du, JADE. Leslie Delau, coordinatrice du programme JADE. Laetitia Got-Thepault, chargé de mission Presse.

« Il faut relativiser, Israël n’est pas la France » tempère Leslie Delau, démunie, elle-aussi.
Reste le signe d’une jeunesse profondément meurtrie par les tristes événements du 13 Novembre, et par tous ceux qui ont émaillé cette dramatique année 2015.  Oui, le Président de la République a prononcé ces mots, lourds de conséquence, au lendemain des attentats. « Nous sommes en Guerre. » Et pourtant. Dancing in Jaffa, délivre un poignant message d’espoir dans une région où il se révèle pourtant très mince.

Oui, la peine ronge encore le cœur de millions de français. Et elle le rongera longtemps après le Festival. Mais c’est ici que la raison doit l’emporter sur les passions, et ne pas céder aux dérives d’une émotion immaîtrisée. Et quoi de mieux que la culture pour garder la tête froide !

Puis, l’essentiel, c’est que le film « était génial ! »
A l’unanimité.

Paul Le Du