Quelle meilleure manière de s’échapper de l’horreur qu’en jouant ? Quoi de mieux que de se réfugier dans l’imaginaire pour se protéger d’un quotidien morose et morbide ? Tant Palestine Island que La vie est belle montrent avec brio cette échappée, cet espoir que présente le sourire. Même si « le rire est la politesse du désespoir » selon Victor Hugo, il en est parfois la porte de sortie, quand bien même elle ne serait que temporaire.
Je me suis retrouvé un peu par hasard devant Palestine Island de Nour Ben Salem et Julien Menanteau et quel heureux hasard ! Cette œuvre suit Maha, jeune réfugiée palestinienne du camp de Balata en Cisjordanie, qui décide de faire croire à son grand-père aveugle et malade que le mur de séparation est tombé et qu’ils peuvent retourner sur leurs terres à Jaffa, au bord de la mer. Je n’ai pu m’empêcher d’avoir une pensée pour la Vie est belle. Dans ce film, Roberto Begnigni imagine le destin d’un père, déporté parce que juif dans un camp de concentration avec son jeune fils, qui décide de faire croire à celui-ci que les tâches harassantes du camp sont des défis à l’occasion de son anniversaire pour gagner un char d’assaut.
Dans ces deux œuvres, le jeu offre une porte de sortie aux protagonistes, tant les instigateurs occupés à créer un imaginaire que les bénéficiaires qui le temps d’un instant quitte leur étouffante réalité. Dans Jeu et réalité, Donald Winnicott décrit le jeu comme un espace intermédiaire entre le dehors et le dedans. Il explique que ce dernier se place alors en marge du réel. « Il faut que le réel se distingue du jeu et inversement ». Une échappée qui brise le quotidien de l’Arbeit macht frei, le quotidien de l’occupation et de la migration forcée.
Lorsque le personnage de Maha regarde son frère qui lui reproche son projet insensé, et lui répond « Au moins grand-père a retrouvé le sourire, contrairement à toi et Maman », elle traduit avec brio l’importance du rire, du sourire. Elle en offre un dernier à son grand père.
Aussi contesté soit-il Freud le résume bien avec cette formule : « Le surmoi lorsqu’il provoque l’altitude humoristique écarte au fond la réalité et sert une illusion ».