Nouveau Monde. Terre Neuve vaste et étendue chargée de milles secrets dont l’histoire fascine depuis le crépuscule des années chevaleresques et continue, encore aujourd’hui, d’émerveiller nos regards indiscrets d’occidentaux. Véritable berceau de tout un pan de l’humanité, de toute une culture et tradition, c’est dans le cadre du 14ème festival du film de l’éducation centré à Evreux que Le Brésil retrouve toutes ses lettres de noblesses par le biais de deux court-métrages documentaires, fraichement envoyés par le partenaire brésilien du festival : « Cirenda de Filmes », projetés en ces lieux en tant que « films invités », dans une séance nommée « Hommage au(x) Brésil(s) ».
Deux œuvres, singulières et minutieuses, qui s’inscrivent purement dans les interrogations sur les traditions locales, sur la manière dont elles seront initiées et transmises aux progénitures débarquées de la dernière pluie tropicale, mais aussi sur leur durabilité dans une civilisation qui se prête de plus en plus à la mondialisation et à l’ouverture sur un monde qui s’étend et se tend de jour en jour.
Car, en effet, « Waapa », de David Reeks, Paula Mendoça et Renata Meirelles, ainsi que « Meninos e Reis » de Gabriela Romeu, dont le traitement cinématographique est aux antipodes, s’imposent comme des œuvres qui témoignent d’une civilisation disposant de traditions pittoresques.
L’un, « Waapa », se situe dans une réserve indigène délicatement placée le long du fleuve Xingu dans le Nordeste. L’autre, « Meninos e Reis », prend forme dans la région du Céara localisée dans le nord du pays.
« Waapa », hymne vitale à la transmission d’une culture
Focalisé sur la population « yudja », les trois réalisateurs dressent manifestement un portrait ethnologique qui n’a de cesse de nous interroger car le décalage et le choc des civilisations est sans équivoques, brute et incisif. Le spectateur se retrouve immergé dans le parcours iniatique d’enfants « yudja », qui, par le jeu, auront pour dessein d’assimiler l’étendue de la culture de leurs parents. Parents qui d’ailleurs englobent, tel un cocon chaud des temps anciens, toutes les activités parfois légèrement déroutantes : comme par exemple le frottement d’une araignée morte sur la paume de la main pour se donner la force de travailler et d’exceller dans diverses disciplines et péripéties qui peuvent esquisser, l’instant d’un instant, quelques sourires passagers. Fervents adorateurs de la Lune, ces êtres aux regards rieurs se tournent incessamment vers les nuages, curieux et anxieux, face à un monde qui les envahi progressivement. Parsemé d’une certaine froideur, il est incontestable qu’une certaine gravité comble la réalisation, dont la plasticité rigoureuse dessine les corps majestueux de ces enfants qui commencent tout juste à comprendre l’environnement qui les entoure.
« Meninos e Reis« , hiérarchie et société transpercées par la candeur
Moins en autarcie, cette fable naturaliste intense s’ancre pleinement et tout autant dans la question de la transmission des traditions, mais surtout, c’est l’idée d’une société drastiquement hiérarchisée qui ressort le plus. Ici, l’enfant est roi, reine, valet ou arlequin : il est assurément transformé en un idéal insouciant, qui, comme dans le film précédent, joue un jeu, celui de l’enfance. Les adultes, cette fois ci beaucoup moins présents, métamorphosent les classes sociales caractéristiques du monde qui a perdu de son innocence, pour les restituer à des jeunes êtres tout juste apparus sur Terre. Dans le film de Gabriela Romeu, les couleurs vives et chaleureuses s’exposent davantage dans une réalisation qui vise par le réalisme une certaine bulle d’irréelle. C’est un hymne absolu de l’enfance, qu’on enseigne à travers les âges et les générations, pour assurer la survie d’un chaud carcan de bonheur et candeur qui rétréci au fil du temps.
En somme, il s’agit de deux films dont les thèmes prépondérants transpirent les idées de transmissions du savoir, de la culture, des traditions, par une initiation adaptée aux individus, à ces jeunes âmes idéalistes représentées avec réalisme et onirisme, suscitant chez nous occidentaux d’innombrables questionnements.
De François Thieulen et Erwann Croguennec